vendredi 10 février 2012

Out of body experience ou pourquoi je n'aime pas les FPS

La vue subjective à la première personne est devenue au fil des années une des méthodes favorites de visualisation dans les jeux vidéo. Son existence moderne date des premiers FPS au début des années 90, DOOM en tête, eux-même précédés par le célèbre Ultima Underworld. Elle a depuis été utilisée avec un succès certain dans d'autres genres de jeux, comme les RPG tel que la série des Elder Scrolls de Bethesda. On la retrouve aussi dans des jeux hybrides, comme les séries des Thief, Deus Ex, System Shock ou des puzzle-games tels que les Portal.
Populaire auprès des développeurs et de beaucoup de joueurs, ce mode de représentation semble avoir tout pour lui et il est devenu le genre de base vers lequel se tourner lorsque l'on a plus d'idée (X-COM et Syndicate étant là pour nous le démontrer), comme les jeux de plateforme l'étaient dans les années 80-90. Pourtant, je ne suis pas un grand amateur de ce mode de représentation possède à mes yeux plusieurs défauts.

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A première vue, on ne peut faire plus immersif que cette vision à la première personne. Ce point de vue subjectif devrait permettre de voir les choses comme si on y était. Mais si on y réfléchit, il montre rapidement ses limitations. En premier lieu, alors qu'un être humain normal bénéficie d'un champ de vision proche de 180º dont 120º sont parfaitement visibles, la plupart des FPS n'offre qu'autour de 60º. En clair, le joueur porte une belle paire d'oeillères (on peut souvent changer cette valeur, mais beaucoup considère cela comme un avantage peu fair-play).
Si l'on s'attarde sur l'anatomie du personnage, seules les mains sont généralement visibles, tenant une arme ou un autre ustensile utile au joueur. Le reste du corps est invisible, voire absent. Le joueur est en fait réduit à une caméra flottant à 1m80 du sol et une paire de gants tout aussi flottants. Si ceci sied à un rôle de tireur sur cible, les choses se gâtent lorsqu'il faut naviguer dans un environnement complexe. Le gabarit du corps du personnage est à deviner, tout comme la position de ses pieds, cruciale pour négocier des sauts ou des passages délicats. Une autre limitation vient de l'anatomie curieuse de l'avatar: il n'a pas vraiment de cou. Seul son torse et ses bras sont articulés. De ce fait, les personnages prennent souvent des poses bizarres lorsqu'ils se déplacent en tirant: torse de biais, penché vers l'avant/l'arrière...

Toujours lié à cette absence de corps, la vue à la première personne crée toute sorte de problèmes lorsqu'il s'agit d'interagir avec le décor. Alors que le but premier dans toute fusillade est de se mettre à couvert, cela est très délicat lorsque l'on ne sait pas ou se trouve son corps ni même de quel genre d'articulation il est doté. Pas question de longer un mur au plus près ou de se recroqueviller derrière un obstacle. Un acte aussi banal que jeter un coup d'oeil à l'angle d'un couloir nécessite une manoeuvre particulière, si elle a même été prévue par les développeurs. Ceci abouti à des situations maladroites, comme fixer un mur quand on est à couvert, ou alors à des concessions au genre, comme celles vues dans Deus Ex: Human Revolution. Déplacer des objets est tout aussi bizarre, avec la pièce en question lévitant devant soi, accrochée au joueur par un filin invisible existant lui-même dans un monde à la physique étrange et pas toujours prévisible.

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Enfin, il reste une réalité inévitable et incontestable: la physiologie humaine. Une étude de 1997* rapporte que 28% de la population souffre de cinétose (mal des transports/mal de mer). Ceci est causé par un conflit entre les informations envoyées au cerveau par les yeux et par le système vestibulaire. Le mode de vue à la première personne peut causer des symptômes similaires, comme il est fréquemment rapporté par des joueurs. Etant moi-même susceptible à cet effet, je sais que sa sévérité varie. En fonction du jeu: vitesse des mouvements, couleur, type de décors, head-bobbing, fluidité de l'animation, mais aussi en fonction du joueur: fatigue, stress. L'effet ressenti va d'imperceptible à vraiment débilitant dans quelques rares cas, conduisant à un arrêt total.
Toute ces raisons font que je préfère largement des modes de représentations alternatifs, comme la vue à la troisième personne. Bien sur, la vue à la première personne a ses inconditionnels et il ne faudrait pas les priver de leur plaisir. Idéalement, une simple option pour pouvoir activer une vue TPS serait la bienvenue (au moins en solo).
*Sharma K, Aparna. Prevalence and correlates of susceptibility to motion sickness. Acta genet med gemellol (roma) 1997;46(2); 105-21

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